La vastitude du monde

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Ce matin c’est la lassitude. Malgré la beauté du paysage sous mes yeux. Parce que c’est beau. Tellement beau. On dirait un estampe japonaise peinte du haut d’une longue vie de sagesse. Les nuages sont si bas qu’ils envahissent toutes les vallées. Les montagnes peinent à ne pas se laisser dévorer par le ciel. Et cela fait des jours que l’on marche. C’est mon métier. Parcourir une partie de monde et la cartographier. Dans ses moindres détails. La plupart du temps je me sens privilégié de pouvoir être proche de ce qui ressemble à l’idée que j’ai de la liberté. Mais parfois même dans la beauté ce sont mes racines qui me manquent. Je viens de quelque part. C’est quelque chose que j’ai découvert après des années de ce métier et après des semaines d’un isolement presque complet. Maintenant je passe plus de temps là d’où je viens et un peu moins là où presque personne et parfois sans doute n’a encore été. Mais je ne peux éviter quand je suis chez moi de penser parfois avec nostalgie à ces lieux sauvages et quand je suis dans ces lieux infoulés de penser parfois à chez moi… J’accepte ces moments de doutes. Ils finissent par rendre le reste de plus d’importance. De sa véritable importance.
Je suis assis sur un morceau de montagne qui se trouve là depuis des millions d’années et devant moi ce sont des semaines entière de paysage qui s’étalent. Mon regard trace déjà le chemin que je juge le plus adéquat.
Je me suis réveillé avant tout le monde ce matin. Même avant le jour. Il fait froid mais cela n’est pas le plus grave. Je n’ai pas dormi en fait. Comme depuis plusieurs jours. Oui des semaines de paysages m’attendent encore mais ce seront les dernières. C’est l’âge… Même avec toute l’aide de guides et de porteurs: je ne peux plus nier l’épuisement qui m’écrase de plus en plus et m’arrache jusqu’au sommeil. Je me dis sans cesse que j’ai été un privilégié mais que tout à une fin. Je tremble: c’est le froid, c’est l’émotion.
Ce monde que je contemple ainsi, je serai l’un des derniers à pouvoir le faire parce que je sais que bientôt il deviendra de plus en plus facile de circuler sur la Terre jusqu’à ses coins les plus reculer. L’humanité et son chaos avancent. J’ai envie de demander pardon à la Terre. Elle me fascine, je me sens si plein d’humilité. Si petit… Et pourtant les traces que j’ouvre seront suivies par une multitude. Une multitude dont certains seront humbles et d’autres arrogants et d’autres encore les deux. Le monde change… Je suis le témoin d’un présent déjà révolu. Mais c’est mon présent et j’en goûte chaque seconde.

About Arret Facultatif

https://arretfacultatif.wordpress.com Deze blog is geschreven in twee talen (nederlands-français), door twee opmerkelijke vriendinnen. Wij vertalen elkaar niet, noch corrigeren elkaar, maar vormen samen een complementariteit in woord en beeld. Wij willen graag met onze handen laten geboren worden daar waar u kan van genieten, onder welke vorm dan ook. Poëzie en kleine stukjes uit het leven, maar ook volsagen verzonnen verhalen, hier vindt u het allemaal!
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18 Responses to La vastitude du monde

  1. Stéphane Cassin Photographie says:

    C’est en effet très joli, les nuages sont en relief et les dégradés sont digne d’une peinture oui 🙂

    • A un moment cet après-midi les nuages racontaient plein d’histoires! c’était superbe: parfois mon imagination me faisait voyager dans les montagnes et parfois sur la mer (déchaînée).Très chouette sentiment!

  2. Sophie L. says:

    Très belle image et très beaux texte 😀
    Merci pour ce moment d’égarement et de remise en perspective de ce qui nous entoure.

  3. cecilecamatte says:

    C’est très beau.

  4. Beau texte qui traduit bien le paradoxe de l'”explorateur”; Celui de se sentir privilégié d’explorer les lieux où peu de gens mettent les pieds et de se sentir, en même temps, homesick, comme déraciné d’un chez-soi. Mais c’est aussi le paradoxe entre la joie de visiter les coins reculés de la Terre tout en étant déjà un peu nostalgique du fait que ces “coins” ne seront plus ce qu’ils sont, bientôt… Merci…

    • Oui: la vie est pleine de paradoxe, qu’on doit essayer de gérer au mieux 🙂 . Et il nous faut lucidement analyser les conséquences (sous tous les angles) de ce que l’on fait.

  5. Cartographier les nuages ou les rêves, c’est un beau métier ! Merci pour ce texte …

  6. Le hasard me fait sourire. En début d’après-midi, n’ayant peu de travail actuellement je suis venue sur mon blog et j’ai cliqué sur ton avatar. Je me suis dit qu’il faudrait que j’aille voir qui était la personne derrière l’ombre de ce petit bonhomme qui marche sur une plage. Ayant vu que tu étais des Pays Bas, je me suis promis de revenir plus tard et là, je te trouve laissant une trace chez moi.
    Ta photo est extraordinaire ainsi que ton texte. Peut-être que les sommets s’abandonnent aux nuages, qu’ils y trouvent plus de bien être que s’ils luttaient. Quoi qu’il en soit, l’instant est magique. J’aime cette communion que tu décris avec la Terre et l’émotion qu’il s’en dégage. Il est bon actuellement de voir qu’il y a encore des personnes qui l’aiment et la respectent au plus profond d’elles. Je découvre un blog qui me touche. Je reviendrai…
    Val

    • J’aime bien ces hasards 🙂 . En fait je suis de Belgique.
      Merci de ta visite et d’avoir apprécié cette photo et son texte. Oui: la montagne ici je dois la chercher très haut!
      J’apprécie beaucoup ton blog et tu es la plus que bienvenue ici 🙂
      Geneviève

  7. natuurfreak says:

    Well done.Very beutiful autiful full of emotions.

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